Ils seront près de 400 personnes à manifester cet après midi à Paris. La direction et les salariés de l’entreprise Tefal de Rumilly accompagnés d’une délégation d’élus dont le maire Christian Dulac seront tous rassemblés devant l’Assemblée nationale à 14 h aujourd’hui pour faire pression sur le gouvernement. Ils entendent s’opposer au projet de loi d’un député écologiste qui vise à interdire les Pfas, autrement dit les polluants éternels dans l’industrie. Un projet de loi qui, s’il venait à être adopté pourrait entraîner selon l’entreprise la fermeture du site de Rumilly et mettre ainsi en péril l’avenir de 1500 salariés.
La proposition de loi du député Nicolas Thierry est à retrouver ici:
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre les risques liés aux substances
per- et polyfluoroalkylée présentée par M. Nicolas THIERRY, député.
Depuis les années 1940, les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont largement utilisées dans l’industrie et les produits manufacturés. Ces substances, qui contiennent toutes des liaisons carbone‑fluor très stables, ont progressivement été intégrées à notre quotidien en raison de leurs propriétés chimiques spectaculaires. Elles représentent aujourd’hui une pollution majeure et persistante, à l’origine d’une déstabilisation probablement irréversible de l’environnement et de risques graves pour la santé.
Les PFAS représentent plusieurs milliers de substances. Elles sont un vaste groupe de composés, développés pour accroître la résistance des produits aux processus de dégradation. Poêles, cordes de guitare, cosmétiques, mousses anti‑incendie, batteries, peintures, pesticides, textiles, emballages alimentaires, prothèses médicales : tous ces objets contiennent des PFAS, utilisés notamment pour leur imperméabilité, leur résistance à la chaleur ou à la lumière, leurs propriétés antiadhésives ou anti‑tâches.
Les PFAS sont extrêmement persistantes dans l’environnement. Leurs liaisons carbone‑fluor comptent parmi les liaisons chimiques les plus stables, ce qui les rend très fortement résistantes aux dégradations biologiques naturelles, voire pratiquement indestructibles. Cette persistance explique leur accumulation dans l’environnement et dans les organismes vivants, au point que les PFAS sont aujourd’hui également connus sous le nom de « polluants éternels ».
Les PFAS présentent des risques graves pour la santé humaine. Plusieurs études ont montré la présence de PFAS dans le sang de pratiquement toute la population. En France, le programme national de biosurveillance Esteban a ainsi révélé la présence de certains PFAS dans 100 % du sang des adultes et des enfants testés ([1]). Or, l’exposition chronique aux PFAS est susceptible de présenter des risques graves pour la santé. De nombreux travaux dédiés spécifiquement à certains PFAS (PFOA et PFOS notamment) montrent ainsi des effets d’altération de la fertilité et de la morphologie spermatique ([2])([3]), des effets hépatiques par une augmentation du taux de cholestérol et des enzymes sériques, des effets cardiovasculaires par un risque d’hypertension artérielle et de pré‑éclampsie et des effets endocriniens par une augmentation du risque de maladies thyroïdiennes ([4])([5]). Un effet de l’exposition prénatale au PFOA sur le poids à la naissance a également été mis en évidence ([6]). En outre, des études menées chez le rat ont distingué des effets sur le développement de la glande mammaire, liés à une modification de la sensibilité aux hormones stéroïdes, lors d’une exposition prénatale au PFOA ([7]). Par ailleurs, l’exposition au PFAS est suspectée de provoquer une augmentation du risque de cancers (du rein ou des testicules), ce qui explique le classement du PFOA par le Centre international de recherche sur le cancer dans le groupe des « substances peut‑être cancérogènes pour l’homme. » Enfin, une étude de l’Autorité européenne de la sécurité des aliments expose une diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination ([8]). Dans un rapport de référence sur les PFAS, le Conseil nordique des ministres montre finalement que le coût annuel lié aux effets de ces substances sur la santé atteint 52 à 84 milliards d’euros en Europe ([9]).
Dans ce contexte, une action publique qui consisterait à prendre des mesures substance par substance présente des limites évidentes. Les restrictions ciblées, comme celles du PFOS et du PFOA, sont justifiées au regard des risques mais ne suffiront pas à assurer une réponse à la hauteur des enjeux. Ces restrictions font courir le risque de substitutions regrettables d’un PFAS par un autre, dont la composition modifiée n’est pas de nature à écarter les risques pour la santé et l’environnement. Le Gen‑X, ayant servi de à la substitution du PFOA lors de son interdiction, est par exemple à son tour considéré comme une substance très préoccupante par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa). Au regard des milliers de composés que représentent les PFAS, l’action publique ne sera efficace que dans la mesure où elle sera envisagée de manière systémique.
En Europe, des initiatives vont dans le sens d’une restriction large des PFAS. Ainsi, le projet d’interdiction européenne des PFAS publié par l’Echa en 2023 et préparé par l’Allemagne, les Pays‑Bas, la Norvège, la Suède et le Danemark depuis 2021, dans la mesure où il cible le groupe de composés dans sa globalité, apparaît comme une perspective plus satisfaisante pour supprimer les risques liés à l’utilisation ou à la mise sur le marché des PFAS. La France, depuis le plan d’actions ministériel sur les PFAS de janvier 2023, soutient publiquement ce projet d’interdiction européenne. Néanmoins, cette initiative est conditionnée à un long processus décisionnel européen et pourrait aboutir, dans le meilleur des cas, à horizon 2027. Alors que l’accumulation irréversible de substances dans l’environnement est une des principales caractéristiques de la pollution PFAS, chaque mois d’inaction compte. Des mesures facilement déployables existent et peuvent permettre de freiner la pollution. Devançant la probable réglementation européenne, le Danemark a par exemple introduit sur son territoire une interdiction de mise sur le marché des produits en papier ou carton destiné à entrer en contact avec les denrées alimentaires dès juillet 2020.
Considérant ce qui précède, la présente proposition de loi vise à lutter contre les risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées. Leurs auteurs souhaitent que la France déploie sans attendre une série de mesures à la hauteur des enjeux en matière de santé publique et de préservation de l’environnement.
L’article premier prévoit d’interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS. Pour les produits textiles, les matériaux mis au contact des denrées alimentaires et les mousses anti‑incendies, l’interdiction est prévue pour entrer en vigueur dès 2025. Ces produits sont une source d’exposition majeure et leurs alternatives sont connues. En cas d’absence d’alternative, cette interdiction ne s’appliquera pas au matériel médical, de santé et aux vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité. Pour tous les autres produits, l’interdiction est prévue pour entrer en vigueur en 2027, date à laquelle le projet d’interdiction européenne soutenu par la France devrait également aboutir. Cette disposition permettra d’assurer l’application d’une interdiction large sur le territoire national, indépendamment des incertitudes du processus décisionnel européen.
L’article 2 prévoit d’intégrer les PFAS dans les paramètres de contrôle des eaux destinées à la consommation humaine dès l’entrée en vigueur de la présente loi. L’eau potable est également une source majeure d’exposition aux PFAS pour la population, absente des contrôles obligatoires réalisés sur les eaux de consommation. Au regard de l’enjeu de santé publique, ce contrôle s’impose. Considérant les résultats des contrôles, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour tous les PFAS.
L’article 3 prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport proposant une trajectoire de dépollution des eaux et des sols contaminés par les substances per- et polyfluoroalkylées. Ces opérations de dépollution devront pouvoir s’appuyer sur un système de contribution exceptionnelle des entreprises responsables de la pollution, fondé sur le principe pollueur‑payeur.
L’article 4 prévoit que les conséquences financières résultant de la présente loi seront compensées par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Le chapitre III du titre II du livre V du code l’environnement est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé du chapitre III, les mots : « aux substances à l’état nanoparticulaire » sont remplacés par les mots : « à certaines substances » ;
2° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances à l’état nanoparticulaire » comprenant les articles L. 523‑1 à L. 523‑4 ;
3° Après l’article L. 523‑5 du code de l’environnement, est insérée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées
« Art. L. 523‑5‑1. – I. – Sont interdites à compter du 1er janvier 2025 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de :
« 1° Tout produit contenant des substances per- et polyfluoroalkylées et destiné à entrer en contact direct avec toutes les denrées alimentaires ;
« 2° Tout produit textile contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile ;
« 3° Toute mousse anti‑incendie contenant des substances per- et polyfluoroalkylées.
« II. – Sont interdites à compter du 1er janvier 2027 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout produit contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. En cas d’absence d’alternative, la présente interdiction ne s’applique pas au matériel médical et de santé. »
Le chapitre Ier du titre II du livre III du code de la santé publique est complété par un article L. 1321‑5‑11 ainsi rédigé :
« Art. L. 1321‑5‑11. – Le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables contrôle la présence des substances per- et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine. Un décret du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail détermine les conditions d’échantillonnage.
« Douze mois après le déploiement des contrôles mentionnés au premier alinéa, le Gouvernement présente au Parlement un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour les substances per- et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine. »
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport proposant une trajectoire de dépollution des eaux et des sols contaminés par les substances per- et polyfluoroalkylées. Ce rapport expose les coûts de ces opérations de dépollution et propose un système de contribution exceptionnelle des entreprises responsables de la pollution, fondé sur le principe pollueur‑payeur.
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.